La colonie d’Étaples


La collection des œuvres de la colonie d’Etaples (XIXe - XXe siècle) est riche de près de 300 œuvres réalisées par des peintres français tels Henri le Sidaner, Eugène Chigot ou Eugène Boudin, qui fréquentèrent notre littoral. Elle est également très représentative de cette colonie cosmopolite qui a accueilli des artistes étrangers comme le norvégien Fritz Thaulow ou l’australienne Isobel Rae.

Ce fond a été mis à l’honneur en 2008 avec l’exposition « Eugène Chigot, de la Côte d’Opale aux rivages méditerranéens ».


PORTRAITS D'ARTISTES

Henri Le Sidaner

 

Henri Le Sidaner est né à Port-Louis en 1862. C’est quand il a une dizaine d’années qu’il arrive à Dunkerque avec toute sa famille. Très tôt, il montre son goût pour l’art en faisant de nombreux dessins et croquis.

Il part en 1880 à Paris pour étudier la peinture et est reçu à l’Ecole des Beaux-Arts en 1882. A Paris, il visite de nombreux salons et découvre les impressionnistes. A l’été 1885 le peintre vient s’installer à Etaples, à l’hôtel Ioos, ou des artistes sont présents comme Eugène Chigot. Il réalise de nombreuses toiles, surtout des paysages axés sur l’aspect rural ou des sujets religieux. Le succès arrive en 1887 : il est exposé au Salon et il obtient une première commande avec son ami Eugène Chigot. En 1891 Henri Le Sidaner décroche une bourse de voyage de la part de l’Etat qui lui permet d’aller pour la première fois en Italie.

Après ce séjour, il retourne à Etaples où il crée en 1892 avec Eugène Chigot la Société des amis des arts d’Etaples. Cette société est à l’origine des nombreuses expositions du groupe de peintres. Il continu en parallèle d’exposer à Paris ses paysages intimistes. Il s’intéresse de plus en plus aux sujets nocturnes, donnant un aspect mélancolique à ses toiles. C’est aussi la période des symbolistes qui l’inspirent beaucoup. Une première exposition personnelle lui est consacrée en 1897 à Paris. 

Henri Le Sidaner est un grand voyageur : il vit un temps en Belgique, dans différentes villes picardes et retourne à Venise. Il s’installe de façon durable à Gerberoy en 1901 et les œuvres de cette période lui ouvrent le marché de l’art anglais. Le public américain est lui aussi très intéressé par l’artiste, qui expose aux Etats-Unis depuis 1901. A la fin de sa vie il peint beaucoup les jardins de Versailles et la figure humaine disparait petit à petit de ses tableaux.

En 1931, la Belgique lui consacre la plus importante rétrospective de sa carrière. Il est aussi reconnu en France où il obtient la légion d’honneur en 1914 et devient membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1929. Le Sidaner meurt en 1939 à Paris. 

 

Henri Le Sidaner, Porte ouverte sur le verger, 1924 © Musée du Touquet-Paris-Plage / Bruno Jagerschmidt


 

Isobel Rae

 

 Isobel Rae est née en 1860 à Melbourne, en Australie. Très jeune, elle est attirée par la peinture que pratique aussi sa mère. Elle suit une formation à l’école des Beaux-Arts de la National Gallery of Victoria où son talent est reconnu lors des expositions étudiantes. Pour continuer sa formation et être au plus proche de la vie artistique de son époque, elle décide d’aller à Paris en 1887 accompagnée de sa mère et sa sœur Alison, artiste aussi. Après avoir suivi les cours à l’Académie Colarossi à Paris pendant l’année, Isobel passe l’été à Etaples où une colonie d’artistes australiens mais aussi américains et français est présente. Après plusieurs étés sur place à peindre, elle s’y installe définitivement en 1893. Cette ville devient vite l’endroit favori des peintres australiens pour se retirer et continuer à peindre l’été.

Son œuvre est marquée par les impressionnistes et la pratique de la peinture de plein air mais il lui arrive aussi d’utiliser le pastel. Contrairement aux autres artistes d’Etaples qui peignent le paysage, elle s’intéresse à la population locale qu’elle rencontre ainsi qu’à leurs coutumes et traditions. Après la création de la Société des amis des arts d’Etaples en 1892, elle participe à de nombreuses expositions du groupe. Elle expose aussi en Angleterre et au Salon de Paris et elle est très suivie dans son pays par l’intermédiaire de la presse australienne.

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, elle reste quelques temps à Etaples même si bons nombres de ses concitoyens rentrent en Australie. Elle y fournit une aide médicale volontaire et réalise des croquis de soldats du camp d’Etaples, un des plus grands camps militaires britanniques en France. Malgré ce travail documentaire de la vie militaire, elle ne fait pas partie des peintres officiels envoyés par le gouvernement australien, les Official War Artists.

Dans les années 1930 elle quitte Etaples et la France pour s’exiler en Angleterre où elle meurt en 1940.

 

Isobel Rae, Matelote, 1910 © Musée du Touquet-Paris-Plage 


 

   Eugène Chigot

 

Eugène Chigot est un artiste français né en 1860 à Valenciennes. Dans sa jeunesse il est formé par son père Alphonse Chigot, peintre de sujets militaires. Ensuite, il poursuit sa formation en passant par l’école des Beaux-Arts de Paris en 1880. Il suit des cours dans l’atelier du peintre Alexandre Cabanel, un peintre français important du Second Empire. Dans cet atelier il retrouve son ami le peintre Henri Le Sidaner, qu’il avait rencontré à l’école de Dunkerque. A cette période, il expose plusieurs fois au Salon où il obtient des médailles et récompenses. C’est suite à un de ces salons qu’il obtient une bourse de voyage pour parfaire sa formation. Il voyage dans différents pays comme l’Espagne ou les Pays-Bas.

C’est en 1887 qu’il vient à Etaples, où il rejoint son ami Henri Le Sidaner. Il s’y installe plusieurs années et peint le littoral. Il pratique une peinture de plein air c’est-à-dire à l’extérieur devant le sujet et plus rarement dans son atelier. A cette période il peint de nombreux paysages marins, des ports, des bateaux et il s’intéresse à la figure du pêcheur. C’est un thème majeur dans sa carrière qu’il décline dans les différents pays qu’il visite. Ce travail explique sa nomination comme peintre du Ministère de la Marine en 1891.

Il est très investi dans la colonie d’artistes d’Etaples et il veut la faire rayonner. C’est dans cette optique qu’il fonde, toujours avec son ami Henri Le Sidaner, la Société des Amis des Arts d’Etaples en 1892. Dès lors, les artistes ne font pas que peindre à Etaples mais ils exposent aussi. Puis Paris-Plage se développe et attire une clientèle aisée, c’est pourquoi les expositions sont organisées dans la station à partir de 1896. Le peintre s’installe d’ailleurs au Touquet dès 1895 dans le pavillon Saint-Josse qui devient sa résidence principale. C’est cette même année qu’il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur.

Après plusieurs années passées dans le Nord de la France, il déménage à la fin de sa vie à Paris. Il peint moins de marines mais continu le paysage. Il se tourne vers des paysages ruraux et surtout son jardin. Son travail est aussi tourné vers la couleur, avec une forte vivacité des coloris ainsi que des études sur la lumière. Le peintre meurt dans sa résidence à Paris en 1923. 

 

Eugène Chigot, Pêcheuse de crevettes, 1893 © Yabid Medmoun


 

Chester Hayes

 

Chester Hayes est un peintre américain né en 1867. Il débute une formation artistique dans son pays dans un premier temps puis il s’installe à Paris en 1890. Dans la capitale, il suit les cours de l’Académie Julian. Cette école d’art privée est une alternative à l’Ecole des Beaux-Arts. En effet, elle accepte les femmes et, n ’imposant pas d’épreuve de langue française, elle accueille d’avantage les étrangers. Chester Hayes expose peu à peu, d’abord dans des galeries puis au Salon de Paris en 1899.

Après ce succès parisien, le peintre rejoint le nord de la France et fait partie de la colonie d’Etaples qui se développe de plus en plus. Sous le charme, il s’installe à Trépied en 1900. Les artistes de passage logent généralement dans Etaples mais pour les peintres qui s’établissent de manière durable dans la région les endroits pittoresques sont privilégiés. Chester Hayes, comme de nombreux Américains, choisissent Trépied. Ils sont tellement nombreux qu’on évoque parfois la « colonie de Trépied ».

Chester Hayes peint surtout des paysages et il apprécie beaucoup les effets de lumière et les couleurs changeantes de la région, spécificités qui valent au littoral le surnom de Côte d’Opale. Mais il fait aussi des portraits, notamment des locaux. Une de ses œuvres célèbres est La Matelote d’Etaples, réalisée en 1932 et présentée lors de l’exposition inaugurale du nouveau musée du Touquet. Cette toile a été tellement apprécié qu’on lui a donné le surnom de « Joconde de la Mer ».

L’artiste est de plus en plus connu, d’abord dans la région où il expose par l’intermédiaire de la Société des Amis des Arts ; puis à l’étranger dont les Etats-Unis, son pays natal. Le Touquet lui consacre une exposition personnelle en 1928 au Grand Hôtel puis une autre en 1933 au Musée. Il voyage de plus en plus en Europe pour renouveler sans cesse les sujets de sa peinture.

La Seconde Guerre mondiale l’oblige à quitter la région et il retourne aux Etats-Unis pour continuer son travail d’artiste. Il meurt en 1947 d’un accident de voiture.

 

 Chester Hayes, Matelote d’Etaples, 1932 ©Musée du Touquet-Paris-Plage


 

Fritz Thaulow

 

              Fritz Thaulow est un peintre norvégien né en 1847. Il suit une formation classique à l’Académie des Beaux-Arts de Copenhague puis il voyage en Allemagne et en France pour compléter ses connaissances artistiques. Il s’intéresse très tôt au paysage et commence par peindre la nature norvégienne, plus précisément des paysages fluviaux. Il préfère le style du Réalisme, où l’on reproduit fidèlement la nature, à l’Impressionnisme où la touche rend les formes plus indistinctes. Il peint tous les moments de la journée et toutes les saisons avec une préférence pour l’hiver. Dans ses toiles, il diffuse l’idée d’une société en harmonie avec la nature, en lien avec la pensée scandinave. C’est un artiste qui connait le succès dans son pays et qui est proche des cercles artistiques nationaux. Il fonde une école de peinture dans la commune de Modum dont il devient le professeur. C’est là qu’il rencontre le peintre Edward Munch, son élève, chez qui il reconnait tout de suite du talent. Il le protège, le conseille et parvient à lui obtenir une bourse d’Etat.

Après ces années en Norvège, Frits Thaulow s’installe en France où il expose beaucoup, notamment au Salon du Champs-de-Mars. Ce salon, dont il est le co-fondateur, organise chaque année des expositions mettant plusieurs artistes à l’honneur. Son œuvre est très appréciée du public mais aussi des autres artistes dont Auguste Rodin qui devient son ami. En France, c’est la galerie Georges Petit, très célèbre à l’époque, qui le représente.

 

Alors qu’il se rendait à Venise, il s’arrête dans la région en 1892. Il arrive d’abord à Camiers où il s’installe quelques temps puis il part ensuite à Montreuil-sur-Mer où il est très inspiré par les moulins et la représentation de l’eau. Il travaille beaucoup à animer la surface de l’eau grâce aux jeux et aux reflets de lumière. Il travaille depuis longtemps sur les paysages maritimes mais c’est à Montreuil-sur-Mer qu’il développe pleinement ses recherches sur les représentations aquatiques. Il expose avec les autres peintres de la colonie d’Etaples et même s’il repart en 1894, l’artiste continue de faire des passages dans la région. Il meurt en 1906 aux Pays-Bas.

 

 

Fritz Thaulow, Camiers, maisons au bord de l’étang, 1892 ©Musée du Touquet-Paris-Plage